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Le rapport annuel des activités de la CNIDH réalisées en 2023 insuffle des améliorations à faire Rapport annuel de la CNIDH, édition 2023

CNIDH » La CNIDH renforce les capacités des professionnels des médias en droits de l’homme

La Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) a organisé un atelier de renforcement des capacités des hommes et femmes des médias en droits de l’homme, du 13 au 14 juillet 2023, à Gitega. Cette activité, à laquelle ont participé 62 professionnels des médias, dont 14 femmes et 48 hommes, s’est tenue avec l’appui de l’Union Européenne via Terre des hommes.

Les participants à cette session proviennent des radios, télévisions et journaux  tant public que privés ainsi que des nouveaux médias qui diffusent en ligne. Le Conseil National de la Communication (CNC ) y avait été représenté par une forte délégation constituée de sa Présidente, Ambassadrice Vestine Nahimana, et Son Secrétaire Exécutif, M. Chanel Nsabimbona. A la prise de parole, tous les intervenants ont apprécié l’ingénieuse initiative de la CNIDH  pour l’organisation d’une telle session qui est un véritable thermomètre des avancées et défis dans le domaine des médias œuvrant au Burundi.

C’est le Conseiller juridique du Gouverneur de Gitega, M. Arthur Niyonsaba, qui a accueilli les participants à cet atelier. Après avoir souhaité la bienvenue et le bon séjour à l’audience dans la capitale politique, l’orateur  a reconnu que les médias constituent le canal de transmission entre les gouvernants et les gouvernés.

Il a également salué l’initiative de la CNIDH d’avoir songé au renforcement des capacités des professionnels des médias sur une thématique qui cadre parfaitement avec leur rôle social d’informer, former, éduquer et divertir la population. Pour lui, les professionnels des média sont non seulement les contributeurs au développement ; mais aussi des acteurs dans la protection et la promotion des droits de l’homme, tout particulièrement le droit à l’exercice de la liberté de presse, d’expression et d’opinion.

Des assises pour un rendez-vous du donner et du recevoir

Dans son discours d’ouverture de l’atelier, le Vice-Président de la CNIDH, Pr Dr Anaclet Nzohabonayo a précisé que la dimension transversale des droits de l’homme touche presque tous les domaines, y compris les médias. D’où, le choix des participants n’a pas été un fruit du hasard parce les professionnels des médias sont des acteurs incontournables dans le développement socio-économique.

Le Professeur Anaclet Nzohabonayo a fait remarquer que par leur mission informative, les journalistes peuvent éteindre les bruits les plus aigus pour relayer des enseignements qui contribuent à l’amélioration des droits de l’homme et de la cohabitation sociale. Mais, il a aussi estimé qu’un  mauvais traitement de l’information peut nuire aux droits de l’homme et à la sécurité du pays, tout en mettant en danger leur profession et leur intégrité physique.

Pour le Professeur A. Nzohabonayo, la CNIDH reste fidèle au principe de « bien faire et le faire savoir » et ne peut donc pas se passer des professionnels des médias. Pour mettre tout le monde dans le bain, il a rappelé que la CNIDH est  une Institution Nationale Indépendante des Droits de l’homme  créée par la loi n°1/04 du 5 janvier 2011. Cette loi assigne à la commission une triple mission à savoir : la protection des droits de l’homme, la promotion des droits et le rôle consultatif auprès des Institutions  du Pays. Du coup, il a indiqué les principales catégories des droits de l’homme dont il est ici question, à savoir : les droits civils et politiques ;  les droits économiques, sociaux et culturels ; et, les droits catégoriels concernant les groupes de personnes à besoins spécifiques. En tout état de cause, ces droits sont universels, interdépendants et indivisibles. Ils comprennent le droit de la liberté de la presse, le droit des citoyens à l’accès à l’information, le droit d’accès aux sources d’information ainsi que le droit de rechercher et publier l’information pour éclairer l’opinion sur les sujets divers sans entrave.  Le respect des droits et libertés fondamentaux proclamés et protégés par les textes internationaux relatifs aux droits de l’homme portent aussi sur la liberté d’expression et d’opinion.

Des thématiques sur les droits de l’homme  et les médias

Au total, 8 thèmes ont été présentés par des experts dans le domaine des média et de la communication.

 « Les principes fondamentaux des droits de l’homme » :

Ce thème a été présenté par le Commissaire Me Nshimirimana Jacques, Président de la sous-commission promotion à la CNIDH. 

D’emblée, l’expert a défini les Droits de l’homme comme un ensemble cohérent de principes juridiques fondamentaux qui s’appliquent partout dans le monde, tant aux individus, qu’aux peuples et qui ont pour but de protéger la liberté, l’égalité et la dignité de la personne humaine. Il a montré les générations, sources et mécanismes internationaux des droits de l’homme. Ces droits sont inaliénables, universels, interdépendants et indivisibles. Certains droits peuvent faire l’objet de dérogation,  c’est-à-dire être restreints ou suspendus,  pour motivation et cause d’intérêt public. D’autres sont indélogeables,  comme : droit à la vie, interdiction de la torture, interdiction de l’esclavage, liberté de conscience, droits judiciaires, non-discrimination. L’Etat a l’obligation de respecter,  protéger et réaliser les droits de l’homme.

« La responsabilité sociale des médias dans la sauvegarde des droits des enfants » 

Ce thème a été animé par  Tuhabonye Vincent, consultant indépendant. L’orateur a épinglé 4 principes fondamentaux : non-discrimination, survie et développement, intérêt supérieur de l'enfant et participation.

L’Etat, la communauté et les médias doivent se mobiliser pour la sauvegarde et protection de l’enfant contre les abus,  l’insécurité et l’information nuisible ou les scènes violentes. Le principe directeur est « ne pas nuire ».

« Lutte contre les violences à l’égard des femmes journalistes dans leurs milieux professionnels »

Ce troisième thème a été exposé par Mme Ndihokubwayo Francine, la Présidente de l’Association des Femmes Journalistes (AFJO). Le sujet focalise sur le harcèlement sexuel des femmes journalistes dans leur milieu professionnel.  L’oratrice a défini le harcèlement sexuel, selon la loi N°1/013 du 22 septembre 2016 portant Prévention, Protection des Victimes et Répression des VBG,  et énuméré des éléments pouvant constituer le harcèlement sexuel, perçu comme sujet tabou, sans statistiques ni témoignages.

Pour les stratégies de lutte contre ce harcèlement sexuel des femmes journalistes, l’AFJO a instauré une cellule d’écoute et counseling des victimes, un numéro de téléphone vert (67 701 701), un code de conduite et la mise en place de 37 points focaux dans les médias pour l’observation participante. Mais, les clients se comptent par les doigts, d’où il est nécessaire de briser le silence pour  éradiquer ce fléau.

 

« Le pluralisme médiatique croissant : le développement de « Fake news » et des messages de la haine à l’ère du virtuel »

Ce sujet a été développé par l’Abbé Riyazimana Lambert, expert en communication. D’entrée de jeu, le présentateur reconnaît que chaque domaine du savoir a ses experts pour éclairer l’opinion afin de faire des choix judicieux. C’est le cas notamment des journalistes qui  aident les cibles à comprendre le contenu des informations liées  à la vie, à la société et au monde. Ils s’érigent ainsi comme médiateurs et participent à la configuration de l’opinion publique et/ou de la réalité sociale. Avec la révolution numérique, tout  est à la portée de la main de tous pour donner la voix, l’espace et le poids à n’importe quel contenu, sans aucune contrainte, ni filtre ou médiation. En sus de tout, les plates-formes numériques sont instantanées, interactives, flexibles, égalitaires et anonymes.

 

Pour lui, le pluralisme des médias implique la variété de plateformes (presse écrite, radio, télévision et médias en ligne) très essentielles pour une société démocratique caractérisée par une diversité d’opinion et une presse libre et indépendante. Cela favorise la triangulation de l’information entre les hommes politiques, publics et médias Mais avec l’Internet, cette interaction devient « libre, anarchique et créative ».  La publication à  une grande vitesse réduit le temps de vérification et d’analyse de l’information faussée ou « fake news », qui est un produit toxique qui véhicule les stéréotypes, la mésinformation et les discours de la haine. L’utilisation préférentielle des stéréotypes par les « fake news » facilite la formation des opinions et participe au renforcement des croyances préexistantes. Les deux favorisent la mise à distance de l’autre, la création d’une frontière entre le ’’in-group’’ et le ’’out-group’’. Les stéréotypes organisent la réalité sociale selon un principe de dualité, « ils construisent des murs ou des ponts entre eux et nous.

 

Pour s’en sortir, le journaliste doit laisser émerger la vérité par ce qu’il n’exerce pas seulement un métier, mais une véritable mission d’humaniser les relations et promouvoir un journalisme de paix, engagé dans la recherche des véritables causes des conflits, pour en favoriser la compréhension à partir des racines et le dépassement à travers la mise en route de processus vertueux. Au lieu de se limiter à décrire les problèmes dans les détails, c’est un journalisme engagé à indiquer des solutions alternatives à l'escalade de la clameur et de la violence verbale.

 

« La communication non violente à travers les médias pour l’édification d’une société harmonieuse et prospère »

Le 5ème thème  portant sur la communication non violente est présenté par le Professeur Adolphe Sururu. Pour lui, La communication doit donc occuper une place de choix comme un régulateur des relations humaines et interpersonnelles.

Cependant, il a relevé un paradoxe fondé sur l’intention de communiquer tantôt pour construire avec l’autre,  tantôt  pour détruire l’autreCela est lié au fait que les mots utilisé peuvent être des fenêtres ou des mursselon Marshall ROSENBERG. Tout un chacun doit, en instance de communication, éviter les malentendus et les quiproquos.

La la communication non violente est également une façon de penser et de parler qui vise à mettre de la compréhension et du respect mutuels dans les échanges. Elle aide chacun à se relier à sa partie de sa capacité de comprendre avec le cœur et de se faire entendre sans agressivité. Elle  ne vise pas le pouvoir et le contrôle sur l’autre mais plutôt le pouvoir et le contrôle avec l’autre. Elle ne cherche pas à détruire l’autre mais à construire avec lui. Il faut donc  être de bonne foi et ne jamais viser le mal, en transmettant vos opinions et  en acceptant les opinions des autres.

« Rôle des partenaires au développement dans la démocratisation de l’information : avancées et défis » 

Ce thème a été présenté par le Conseiller du Ministre de la Communication, des Technologies de l’information et des Médias. Il a commencé par élucider le concept de communication pour le développement qui consiste à ne pas « parler à » mais « parler avec ». Les médias participent dans ce  processus comme des acteurs intermédiaires entre la population et les partenaires au développement. Ils s’emploient à sensibiliser les bénéficiaires et à vulgariser les programmes en vedette, en éclairant l’opinion sur la redevabilité et le changement à imprimer.

Comme avancée : les médias bénéficient des financements pour la production de l’actualité et des émissions pour meubler leur grille de programmes liés au développement. Néanmoins, des défis ne manquent pas : notamment la limitation de la médiatisation au moment de lancement des activités au lieu de couvrir le cycle des projets de développement. En plus, la population n’a souvent pas droit à la consultation avant le lancement des projets.  S’il advient qu’elle soit consultée, elle n’aura pas de feed back sur ses attentes ou suggestions. Donc, la participation laisse à désirer.

Pour la viabilité, les médias devraient tisser des partenariats de longue durée et faire preuve de professionnalisme dans leurs prestations afin de mériter la confiance des partenaires au développement qui, à leur tour, les accompagneront dans l’accomplissement de leur mission.

 « Précarité financière et professionnelle des journalistes face au droit d’accès à l’information équilibrée : enjeux, défis et perspectives » 

 

Cette thématique a été animée  par Ambassadrice Vestine Nahimana, la Présidente du Conseil National de la Communication(CNC). Elle a démontré les faiblesses qui gangrènent le système médiatique de ce pays : la formation professionnelle insuffisante et l’absence du contrat de travail pour les « journalistes » dans certains médias.

Les journalistes y travaillent sous le couvert du bénévolat et sont par conséquent des  indigents à la merci des manipulateurs généreux. Cela est contraire au code du travail du Burundi et à la Convention internationale du Bureau international de travail. Par conséquent,  c’est la violation flagrante des droits de l’homme, a martelé la Présidente du CNC.

Un journaliste non salarié ne peut pas satisfaire aux exigences d’un journalisme professionnel qui requiert l’objectivité, l’équilibre et l’impartialité de l’information. « Politique du fonds d’appui aux médias : quelles stratégies pour une gestion efficiente ? »

Cette thématique a été  préparé par Innocent Nsabimana. Tout est concentré sur un concept de « Fonds d’appui aux médias ».  Il remonte à 2003 et qui change de nom selon les époques « Fonds d’aide à la presse » ou « Fonds d’assistance aux médias ». Le dénominateur commun de ces appellations est la reconnaissance de l’Etat du rôle que jouent les médias la mise en œuvre du droit à l’information. Raison pour laquelle les organes burundais de presse et de communication publics et privés sont exonérés de la TVA à l’importation en matériel d’équipement.

En plus, il a été aussi créé un Fonds de promotion des organes burundais de presse et de communication dont les ressources proviennent notamment  des dotations budgétaires annuelles de l’Etat et des  concours des bailleurs de Fonds.

Le Décret N°100/085 du 19 octobre 2020 portant missions, organisation et fonctionnement du Ministère de la Communication, des Technologies de l’Information et des Médias dispose, en son article 18 que la Direction des Médias a, entre autres missions, de participer à l’Administration du Fonds d’Appui aux Médias alimenté à hauteur de 115.000.000 Bif depuis 2022 alors que ce montant était limité à 60 millions en 2021.

La Loi N°1/19 du 14 septembre apporte des innovations en matière d’appui aux médias prévoit en son article  61 que la gestion dudit fonds est assurée par un Comité de Gestion multisectoriel présidé par le Président du Conseil National de la Communication ou son délégué. Les modalités de fonctionnement et les conditions d’accès audit fonds sont fixées par décret sur proposition de l’assemblée plénière du Conseil national de la Communication, après avis du Comité de Gestion. C’est là où réside le conflit des normes, ce qui a alimenté le débat entre les professionnels des médias.

Les échanges-débats

Après ces exposés, les échanges ont porté sur la nécessité des contrats de travail entre les employeurs des médias privés et leurs journalistes ; l’alimentation du fonds d’appui aux médias par les prélèvements sur les achats des produits de grande consommation ; la professionnalisation des journalistes ; la réduction des redevances sur les fréquences ; l’appui aux radios communautaires. A cela s’ajoutent l’instauration des aides indirectes d’ordre tarifaire et fiscal ainsi que l’appui direct sous forme de matériel d’équipement ou formation professionnelle des journalistes.

 Les différents participants ont saisi l’opportunité pour identifier les obstacles à la presse libre et indépendante et formuler des recommandations pour les améliorations possibles là où le besoin se fait sentir.

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